Collaboration spéciale – Yannick Hémond, professeur en résilience, risques et catastrophes au Département de géographie de l’UQAM.

Ce texte à d’abord été publié dans Le Devoir

Nous sommes à un tournant historique, un moment où les choix que nous faisons aujourd’hui définiront non seulement notre avenir, mais également celui des générations à venir. Le forestier en chef du Québec, Louis Pelletier, a lancé un signal d’alarme concernant les incendies de forêt de cet été et la rapidité avec laquelle les changements climatiques affectent nos forêts. Ce constat fait écho à une question plus vaste : nos décideurs sont-ils prêts à prendre des décisions cruciales et audacieuses pour améliorer notre résilience face aux enjeux climatiques ?

Le climat ne fonctionne pas selon les cycles électoraux. Or, c’est ce qui semble être le cas de nos prises de décisions. Les politiques d’hier, bien qu’adaptées à leur époque, peuvent se révéler inadéquates, voire dangereuses, dans le contexte actuel. Le temps de la réflexion est passé ; le temps de l’action est arrivé.

Il y a un dicton qui colle bien à cette réalité : « Fait est mieux que parfait. » Bien sûr, il ne s’agit pas d’agir impulsivement. Mais le moment est venu d’accepter que nous ne puissions attendre des solutions parfaites. Les changements climatiques sont une réalité en constante évolution et nous devons nous adapter à la même vitesse. Sinon, nous sommes destinés à toujours courir après, en mode réaction plutôt qu’action.

Si nous examinons le domaine forestier comme cas d’étude, le manque de diversité dans les pratiques d’aménagement accroît notre vulnérabilité. Les incendies de forêt, exacerbés par les changements climatiques, ne sont pas seulement des catastrophes environnementales, mais aussi des catastrophes socio-économiques qui affectent les communautés et les industries. Louis Pelletier propose une démarche stratégique, avec un zonage particulier à chaque région, pour renforcer la résilience de la forêt. Des solutions de ce genre doivent être envisagées à l’échelle locale, nationale et mondiale, pas uniquement pour les forêts, mais pour tous les secteurs affectés par les changements climatiques.

Pourquoi hésitons-nous à mettre en oeuvre des solutions audacieuses ? Sommes-nous paralysés par la peur de l’échec ou sommes-nous trop englués dans les bureaucraties, les lobbys ou le clientélisme électoral ? Nos législations et nos politiques doivent être aussi flexibles et adaptatives que le monde dans lequel nous vivons. Le statu quo n’est plus une option viable. Cela concerne chacun d’entre nous, car chacun a un rôle à jouer. Pourtant, nos décideurs portent une responsabilité particulière : celle d’entreprendre ces changements.

Il est souvent dit que c’est dans les moments de crise que la prise de conscience se fait. Alors, considérons que nous sommes déjà dans ce moment de crise. Il ne faut pas attendre la prochaine catastrophe pour agir. Il nous faut des mesures d’adaptation qui forceront le changement de comportements nécessaires pour être proactif. Les générations futures ne se soucieront pas des partis pour lesquels nous avons voté, mais elles seront indubitablement affectées par les décisions que nous refusons de prendre.

Finalement, ce que nous décidons et faisons aujourd’hui laissera une empreinte indélébile sur les générations futures. Le temps est peut-être compté, mais il n’est pas encore écoulé ; nous disposons encore d’instants précieux pour influencer positivement le cours des choses. Il est temps d’incarner le changement que nous souhaitons voir dans ce monde. Appelons nos décideurs à être les héros de cette époque, à agir avec l’audace et la détermination qui sont maintenant impérativement requises.

Notre droit de vivre sur une planète saine n’a pas de date d’expiration, mais notre capacité à garantir ce droit se réduit chaque jour. Nous n’avons pas le luxe de l’attente. En ce moment de crise, rappelons-nous que c’est précisément dans ces moments que les grandes avancées sont réalisées. Le moment d’agir n’est pas demain ni après les prochaines élections. Le moment d’agir, c’est maintenant.


YH, Positif + partenaire stratégique